Da Wei
histoire d'amour avortée

1ère Partie

Publié par magali
“Samedi, tu chanteras avec Lorie” m’annonça-t-on devant mes camarades qui attendaient impatiemment le nom de l’artiste avec qui elles partageraient un duo. Seule étrangère dans ce programme télévisuel taïwanais, ma grande force était mon exotisme français. Je l’avais compris dès le début : on ne m’avait sûrement pas recrutée pour mes faibles capacités vocales. Arrivée dans ce pays étranger et tentant de boucler les fins de mois en donnant à quelques étudiants des cours de français, avoir été repérée pour ce jeu avait été une aubaine. Non seulement je n’avais pas de loyer à payer, ni de courses à faire mais de plus, j’étais rémunérée pour utiliser une salle de danse à ma guise et monter sur scène une fois la semaine. Je n’étais vraiment pas à plaindre.

Lorie arriva dans l’après-midi pour une répétition et je fus soulagée de pouvoir enfin parler français avec quelqu’un. Connaissant déjà les paroles de sa chanson pour l’avoir (trop) souvent entendu sur les ondes, la répétition ne prit pas beaucoup de temps. De plus, la jeune chanteuse était très sympathique. Elle m’expliqua sans aucun complexe, que son succès en Asie était en partie dû à sa chevelure blonde et à ses yeux clairs, et je n’eu aucun mal à la croire. La sachant ancienne patineuse, je l’invitai dans la cour de la Résidence pour une session de roller très divertissante.

Le reste de la semaine, je m’évertuai à apprendre mes textes par cœur, à jouer les maîtresses de maison au sein de la Résidence. Les chambres étaient toujours rangées, le ménage fait, je préparais des pâtisseries françaises pour mes camarades, ma façon personnelle de m’excuser pour mon manque de bavardage, mon faible niveau de chinois m’empêchant encore de participer à leurs conversations agitées. En revanche, j’étais l’une des plus douées pour les chorégraphies que nous proposait chaque semaine Xiao Ma et j’étais toujours très fière de moi lorsque je pouvais aider une de mes camarades à retenir l’enchaînement des pas.

Ce samedi-là, je réussis avec brio la performance avec Lorie et on m’annonça quelques jours plus tard, que trois de mes camarades et moi-même chanterions le samedi suivant avec un boys band local du nom de F4. Je me rappelais vaguement avoir entendu parler d’eux à la télé mais j’étais incapable de me souvenir de leurs prénoms. Je fus donc très étonnée quand mes colocataires se mirent à crier d’excitation à la nouvelle de leur arrivée prévue le vendredi suivant.

Toute la semaine, les filles ne firent que parler de ces quatre garçons et j’en appris donc un peu plus à leur sujet. Ils se nommaient respectivement Cheng Xu, Jian Hao, Xiao Tian et Yu Min (aussi surnommé Zai Zai). Il y eu un grand débat pour savoir qui de Cheng Xu ou Zai Zai était le plus sexy et la discussion faillit tourner au règlement de compte. J’appris également, qu’ils avaient tourné pour de nombreux dramas et publicités, et qu’ils cumulaient les records dès qu’il s’agissait de concerts que ce soit à Taïwan ou à l’étranger.

Dans la semaine, Xiao Ma confectionna rien que pour moi un tableau de danse moyen-orientale que je m’empressais d’apprendre. “Ok, j’suis pas taïwanaise mais j’suis pas libanaise non plus !” pensais-je immédiatement, mais dès j’esquissais les premiers pas de cette nouvelle chorégraphie, mon humeur vira du tout au tout. J’étais à la fois heureuse de voir que Xiao Ma me faisait assez confiance pour me donner un solo, à la fois contente de pouvoir m’exprimer grâce à cette danse tellement envoûtante et soulagée de pouvoir enfin échapper à toute cette surenchère autour du boys band.

Je passais le restant de la semaine enfermée dans la salle de danse, bien occupée entre mon solo que je ne cessais de peaufiner, les paroles de la chanson des F4 que mon cerveau refusait de retenir et la petite chorégraphie que Xiao Ma avait préparée pour l’occasion. Nous danserions chacune en couple avec l’un des F4.

Le vendredi arriva enfin et avec lui une extrême excitation au sein de la Résidence. Les filles s’apprêtant chacune de leur plus belle robe et monopolisant la salle de bain pour se pouponner à souhait. Et bien que je n’éprouvais aucune attraction particulière pour le groupe, l’impatience finit par me gagner et comme les filles je guettais l’heure de leur arrivée.

Quand les portes s’ouvrirent sur les quatre jeunes hommes, mes amies furent prises d’hystérie collective et je ne pu m’empêcher de pouffer devant ce spectacle ahurissant. Mon premier défi fut de savoir qui était Cheng Xu et qui était Zai Zai. Le mystère résolu, je décrétais en mon for intérieur que Zai Zai était résolument le plus sexy des deux hihi. Fin du débat. Il avait d’ailleurs une si belle aura que j’en vins à plaindre l’ex fiancée dont on m’avait parlée, qui n’avait pas su le garder pour elle. Xiao Ma nous emmena dans la salle de danse pour nous annoncer comment seraient formés les duos et je le remerciai intérieurement de ne pas m’avoir mise avec un jeune homme au charisme si débordant.

Quand je me retournais vers mon compagnon de danse, je regrettais du premier coup d’œil mes pensées. J’avais passé mon temps à observer les deux acteurs du fameux débat de la semaine et j’en avais complètement oublié les deux autres membres du groupe. Or il m’était impossible de comprendre pourquoi on m’avait si peu parlé de lui, Jian Hao. Il me fallu plisser les yeux pour bien le voir tant il m’éblouissait. Ses yeux fins brillaient comme deux étoiles dans la nuit noire de ses pupilles. Tout son corps semblait scintiller de milles feux et une aura luisante avait élu domicile autour de lui. Hypnotisée par son regard étincelant, je restais figée tandis qu’il s’approchait de moi. Son sourire blanc tranchant avec l’ébène de ses cheveux qui retombaient sur son visage.

Quand la musique se fit entendre dans la salle, je compris que j’étais sans doute restée immobile plus longtemps que jn’aurais dû et qu’il était maintenant temps d’exécuter la chorégraphie. Mon corps s’anima instinctivement pour reproduire les mouvements appris. Sans pouvoir quitter des yeux ces deux phares qui me donnaient la direction, j’effectuais les pas qui tantôt m’éloignaient de lui, tantôt me faisaient dangereusement frôler son corps que je devinais musclé. Je virevoltais autour de lui, craignant sans cesse qu’il ne disparaisse si je le perdais de vue ne serait-ce qu’une seconde. Ma respiration se fit capricieuse, osant sauter un battement de cœur quand je m’approchais trop près de lui. Je ne savais plus si ma difficulté à respirer normalement était dû au rythme de la chorégraphie ou à cet inconnu qui non content d’avoir hypnotisé mon regard, voulait à présent posséder chacun de mes souffles.

Tout à coup la musique s’arrêta et je repris conscience du monde autour de moi. Nous étions dans la salle de danse de la Résidence et non dans les profondeurs de la galaxie comme je l’avais un instant cru. Je m’aperçus que les autres couples n’avaient pas encore retenu la chorégraphie et qu’ils n’étaient d’ailleurs pas d’accord sur la suite de l’enchaînement. Perplexe, je revenais lentement sur Terre, et me tourna de nouveau vers Jian Hao qui me dévisageait. Quand il me vit si désorientée, il éclata de rire et je ne pus m’empêcher de rire avec lui. Mon dieu, que s’était-il passé ? J’avais dû mal à croire que je venais de vivre autant d'émotions. Et quelles semblaient être causées par ce merveilleux jeune homme en face de moi. Embarrassée, je ris de plus belle avec lui et Xiao Ma redémarra la musique.

Cette fois-ci, mon cœur ne me chercha pas querelle. Je tourbillonnais entre ses bras comme dans une valse folle. Des fleurs se seraient mises à pousser sous nos pieds, ça ne m’aurait pas étonnée plus que ça. Jian Hao avait gagné d’être l’unique destinataire de mon regard lors de la première danse, il était maintenant le seul propriétaire de mon sourire. Et j’avoue qu’il me le rendait plutôt bien.

Bientôt la répétition pris fin et mes camarades s’empressèrent d’inviter les quatre garçons dans la Résidence afin de leur faire visiter les lieux et de faire plus ample connaissance. Me sachant par avance incapable de suivre les conversations, je préférais retourner à la salle de danse pour travailler mon tableau oriental. J’accrochais à la taille une ceinture faite de voiles et de sequins, tandis que j’attrapais un autre voile destiné à voleter autour de moi. Tremblements, hanche droite, tremblements, gauche-droite… Alors que j’entamais un pivot, j’aperçus soudainement dans le miroir un visage qui me regardait depuis la porte.

Je me retournais et découvris Jian Hao qui avait laissé tomber les autres. Il s’avança vers moi munit de son irrésistible sourire, et la musique ne s’étant pas arrêtée, j’improvisais un enchaînement à la gloire du déhanchement féminin. Je fis voler mon foulard autour de moi, puis autour de lui. J’étais clairement en train de le séduire… mais, je ne faisais que suivre la musique ! Je m’approchais lascivement vers lui et pivota sur moi-même quand il agrippa mon poignet. Ses yeux dans les miens, son visage à seulement quelques centimètres du mien, je compris que j’avais joué avec le feu. Pourtant, je ne pouvais m’empêcher de répondre à son sourire. Il posa sa main sur ma hanche, me fit tourner et je me retrouvais blottie dans ses bras, une main autour de son cou, mes lèvres si près des siennes, les yeux mi-clos. Je sentis mon corps bouillir d’ardeur mais me ressaisit. Je reculais et alors que ma main glissait le long de son bras, je décidais de lui attraper la main et l’attirait dehors. “Viens, suis-moi ! Je vais te montrer le plus bel endroit de la Résidence.”

Main dans la main, nous nous élançâmes à l’extérieur, traversâmes la cour et alors que nous arrivions près de l’étang, je l’entraînais dans le bois qui encerclait le plan d’eau. Arrivés à destination, je m’arrêtais net, au bord de l’eau. “Regarde” prononçais-je dans un souffle. Jian Hao se posta près de moi, et nos regards se perdirent dans cette nature sauvage qui contrastait avec le modernisme urbain de la Résidence. Entourés d’arbres de chaque côté, nous nous serions crus en pleine campagne. Quelques cygnes voguaient majestueusement sur l’eau, sur l’autre rive, je pouvais distinguer des grues et une colonie de canards. Sans en avoir vu, je devinais aisément que l’étang devait être habité par bons nombres de poissons. Le soleil ne faisait que ressortir davantage les couleurs chatoyantes des feuilles d’arbres. Tout dans ce paysage était magnifique.

Sentant Jian Hao contemplatif, je me retournais vers lui sans savoir qu’il était si près de moi et me retrouvais une fois de plus dans ses bras. Nez à nez avec lui, il y eut un moment de flottement, puis, ni lui ni moi ne résistèrent plus longtemps à la tentation, et nous nous embrassâmes passionnément. Je sentis ses lèvres charnues frissonner de chaleur. Mes mains grimpèrent s’agripper à son cou. Lorsque nos lèvres se séparèrent, je levais les yeux sur lui, surprise par l’intensité partagée de ce baiser. Nous nous regardâmes et éclatèrent de rire. Quelle situation atypique ! C’était à la fois bizarre, et en même temps jn’étais aucunement gênée. Ou alors était-ce le fait de me sentir si à l’aise que je trouvais étrange ?

Nous nous regardâmes une seconde fois intensément et nous nous embrassâmes de nouveau. Ce second baiser fut plus long et plus abrasif que le premier. Sa main brûlante agrippa ma hanche tandis que je me pendais désespérément à son cou, une main perdue dans ses cheveux. Il me souleva soudain du sol pour m’assoir à sa taille mais desserra presque aussitôt son étreinte. Et alors que je vacillais de désir, il ôta d’un geste son sweat-shirt qu’il jeta sur le sol, m’intimant de venir le rejoindre. Que faisions-nous ? Jusqu’où allais-je suivre mes pulsions ? Je m’asseyais lentement tout en cherchant dans ses yeux une réponse à mes interrogations. Je sentis qu’il hésitait à m’embrasser de nouveau, quand une voix se fit entendre au loin. “Jian Hao !”

Comme un seul homme, nous nous redressâmes d’un bond, je lui tendis son sweat-shirt qu’il enfila aussitôt. Il remit de l’ordre dans mes cheveux et replaça mon t-shirt. On aurait dit deux adolescents risquant de se faire prendre en flag’ par tonton Zai Zai. Celui-ci nous rejoignit aisément, alors que Jian Hao et moi pouffions du comique de la sitation. Après avoir admiré tous trois le paysage qui s’offrait à nous, nous retournâmes à la Résidence où le boys band nous fit ses adieux. “A demain !” lança Jian Hao avec un clin d’œil.

Mais ce clin d’œil m’était-il destiné ? Qu’avais-je fait ? Nous étions dans un jeu, je n’étais pas censé avoir ce genre de comportement ! Les caméras nous avaient-elles vues ? Allais-je être renvoyée ? Non, ce n’était pas possible. J’avais été bien sage et disciplinée jusque-là, comment avais-pu être soudainement si dévergondée ? Après tout, je suis une femme, majeure et vaccinée, avec des désirs et des pulsions. Et qu’en était-il de Jian Hao ? Après tout, je ne le connaissais pas. C’était peut-être un Casanova. Oh je suis sûre que c’est un Casanova !!! Et pourtant, je me suis sentie si à l’aise avec lui…

Le lendemain, à peine arrivée, au plateau de télévision, je filais vers sa loge. Je patientais un peu le temps que quelques personnes en sortent et me glissait furtivement à l’intérieur. Je me sentie ridicule quand je le vis en pleine discussion avec un homme d’âge mûr, peut-être son manager. Sans se sentir gêné le moindre du monde, il mit un terme à sa discussion et raccompagna l’inconnu jusqu’à la porte. Puis il se tourna vers moi. “Salut toi,” me dit-il avec un grand sourire “t’es pas trop stressé pour le prime ?” “Non, j’ai plutôt hâte.” lui assurais-je en lui rendant son sourire. “Je…” Quelqu’un toqua à la porte. “Ah Jia Li, on te cherche partout ! Tes amis sont venus te rendre visite.” Jian Hao m’accompagna dans le couloir où je retrouvais avec joie mes compagnons, Ah Nuo et Ai Liu. Malheureusement, le temps nous étant compté, nous dûmes faire vite et aucun d’eux ne sembla remarquer la présence de Jian Hao à mes côtés.

Alors que nous nous retrouvâmes enfin seuls, le même homme que précédemment nous fit dire que c’était bientôt à nous de monter sur scène. Je rejoignis mes camarades et les autres membres du F4 en coulisse et quand la musique démarra, nous fîmes notre entrée, tous les huit, sous les acclamations du public. Portée par la foule, la musique, les lumières et les beaux yeux de Jian Hao, je vécus les cinq minutes les plus courtes de mon existence. Aucun problème de paroles ni de chorégraphie, un vrai succès, et donc un vrai petit miracle. Je sortis de scène aux anges, alors que Jian Hao m’attrapa par le poignet et me conduisit dans sa loge.

Là, il devint tout à coup très sérieux. “Heu, Jia Li, je n’ai pas été très honnête envers toi. J’ai déjà quelqu’un dans ma vie. Ça ne va pas très fort entre nous, et je ne crois pas t’avoir rencontrée par hasard. J’voulais que tu saches que je la quitterais bientôt.” Choquée par la nouvelle, je lui répondis du tac-o-tac. “Si tu as des problèmes avec ta copines, règle-les. Mais ne me mêle pas à tout ça. Je ne veux surtout pas être responsable d’une séparation. Si c’est plus facile pour toi, fais comme si tu ne m’avais jamais rencontrée.” Et ne tenant plus, je quittais précipitamment la pièce pour rejoindre mes colocataires qui ne tardèrent pas à rentrer à la Résidence, m’emmenant très loin de lui.
 

1 commentaire pour le moment.

  1. Francine Saitoo 23 octobre 2011 à 04:21
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